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Autisme, pseudosciences et théories douteuses

- Julie BOUCHONVILLE

Autisme, pseudosciences et théories douteuses

Je ne l’apprends sans doute pas à mon lecteur : lorsqu’une famille constate que son enfant est autiste, ou en tout cas « bizarre »[1], un grand huit émotionnel démarre aussitôt. Inquiétude, doute, réflexions et ruminations, découvertes et rétractations sont le quotidien de la famille, d’abord pour comprendre ce qui se passe, ensuite pour tenter de le régler.

Dans ce contexte, que l’on soit une personne autiste ou son proche, il est facile de devenir la proie d’individus cherchant, par foi ou par cupidité, à faire passer leur théories concernant l’autisme.

Dans cet article, j’ai cherché à faire un tour d’horizon bref de ces théories, mais sachant qu’il est impossible d’être exhaustif, j’ai surtout essayé de dresser le portrait-robot de la théorie fumeuse, afin que mon lecteur puisse reconnaître sa silhouette, pour ainsi dire, lorsqu’elle se pointera à l’horizon.

 

Les explications alternatives à l’autisme

Fait : Pour de nombreuses personnes, le stéréotype de l’autiste est un petit garçon blanc qui ne parle pas, fixe un mur toute la journée et se balance.

Fait : De très nombreux autistes ne correspondent pas à ce cliché.

Fait : Lorsqu’une personne est suspectée d’être autiste, si sa famille ou elle-même manque d’information, il est possible qu’elles remettent en doute ce diagnostic car l’image qu’il colporte ne correspond pas au comportement de la personne. Elles peuvent alors chercher une explication alternative.

 

Et cela tombe bien pour tout un tas de charlatans, qui ne demandent pas mieux que de les rassurer : bien sûr que cette personne n’est pas autiste ! Il existe une bien meilleure explication à ce qui lui arrive ! (Explication qui, d’ailleurs, n’est jamais un autre diagnostic proche.)

- La personne est possédée : c’est compliqué à prouver, encore plus compliqué à régler, mais ça correspond bien à l’impression que peuvent avoir certaines familles qui observent un enfant se développer à un rythme normal, jusqu’au jour où ce rythme change et où les premiers signes d’autisme se manifestent. Même pour la personne elle-même, cela peut expliquer son mal-être, son anxiété, son obsession pour certains sujets, etc.

- La personne est un enfant indigo/enfant cristal : notion dérivée du new age, les enfants indigo ou cristal sont censés être plus moins magiques, dotés de pouvoirs mystiques un peu flous, et se reconnaissent à leur personnalité « difficile » ou « hyperactive ». Pas autiste, donc, mais futur leader spirituel destiné à sauver le monde avec ses résonances énergétiques hors du commun.

 

- La personne est certes autiste, mais là n’est pas la question, parce que toute son existence ne sert qu’à tester et faire grandir sa famille : une théorie selon laquelle les autistes et n’importe quel enfant en situation de handicap seraient en fait des « anges » venus « apprendre une leçon » à leur famille terrestre[2].

 

Les explications concernant les causes de l’autisme et son traitement

Il faut admettre que la science moderne n’est pas au top de son spectaculaire lorsqu’elle concerne l’autisme : on ne sait pas très bien ce qui le cause[3], ça ne se soigne pas, et même pour améliorer le quotidien des personnes concernées, souvent les seuls vrais spécialistes sont les autres autistes. Quand on se sent désemparé, entre ça et un individu sûr de lui affirmant pouvoir guérir l’autisme en deux temps, trois mouvements, le choix est vite fait – et je ne veux absolument pas minimiser le ressenti de personnes se sentant perdues face à une situation qu’elles ne comprennent pas et qui les terrifient.

 

- La personne autiste est en fait intoxiquée aux métaux lourds, et doit subir une chélation : l’un des dadas des naturopathes, l’intoxication aux métaux lourds est responsable de tout un tas de trucs allant des problèmes cardio-vasculaires à l’autisme en passant par la dépression. La chélation préconisée dans ces cas n’a rien à voir avec le traitement par intraveineuse : il s’agit plutôt de consommer des plantes spécifiques sous diverses formes : fraîches, en infusion, en complément, etc.[4]

- La personne autiste contient trop de toxines, et doit se détoxifier : un grand classique là aussi, dans la mesure où le concept de la détox est aussi vendu aux neurotypiques. Les cures de jus, régimes, jeûnes et autres traitements détoxifiants sont censés améliorer la situation.

- La personne autiste est en manque de vitamines/minéraux/substances spécifiques, et doit en consommer plus : simple et efficace, une théorie qui ne manque pas de charme[5].

- La personne autiste souffre d’une infection fongique/microbienne/parasitaire/bactérienne/un peu de tout ça, et doit consommer de l’eau de Javel/du dioxyde de chlore[6] pour se soigner : une théorie qui a au moins le mérite d’avoir une certaine cohérence interne – après tout, aucun parasite ne résisterait à l’ingestion de désinfectant industriel.

- La personne autiste est malade à cause de la 5G/des ondes/des smartphones/d’une forme quelconque de technologie, et doit vivre à l’écart de toute technologie pour s’en sortir : une théorie peu pratique, même si de vivre au milieu des bois serait sûrement reposant.

- La personne autiste est malade parce qu’elle consomme du lait de vache/du gluten/des oxalates/des levures/un autre aliment d’ordinaire inoffensif, et doit arrêter de le consommer pour aller mieux : un twist exploitant le fait que beaucoup d’autistes ont des problèmes d’intestins irritables, et qui peut même se vérifier si la personne arrête effectivement de consommer les substances lui créant des complications digestives. C’est un truc humain que d’être moins patient quand on a mal au ventre, pas typiquement neurodivergent.

- Les personnes autistes le sont à cause d’un état inflammatoire chronique, qui ne peut se traiter qu’avec des séances dans un caisson hyperbare : cause très vague et traitement hors de prix n’ayant aucun rapport, sans doute l’une de mes théories préférées.

- Les personnes autistes n’ont pas réussi à s’incarner correctement à la naissance/ont décidé d’être autistes pour payer une dette liée à leur vie précédente/sont sacrifiées pour le bien du restant de l’humanité, et devraient être soignées avec de l’homéopathie/des danses magiques : une théorie bien perchée comme on les aime, tirée de l’anthroposophie et des méthodes Steiner[7].

- Les vaccins/les médicaments sont la cause de l’autisme, et ni les personnes enceintes ni les enfants ne devraient toucher quoi que ce soit de médical de près ou de loin : souvent cette théorie ne propose même pas de traitement. C’est dire si elle se fatigue.

- L’autisme est dû à un problème psychologique et se soigne avec de la psychanalyse : une théorie qui va souvent blâmer les parents de la personne pour avoir été trop laxistes ou trop durs, selon les versions.

- La personne autiste a besoin d’un traitement à base de cannabis pour se sentir mieux : je ne dis pas que le cannabis n’aiderait pas les gens à se sentir mieux. Ça aiderait probablement. Il me semble cependant délicat d’en donner à une personne non-consentante l’esprit tranquille.

- C’est l’école qui rend la personne autiste, et la retirer du système d’éducation classique la guérira : une théorie qui profite du fait que l’école traditionnelle soit souvent peu adaptée aux neurodivergents.

 

Les points communs

Assez de listes, cher lecteur, cette fois essayons de faire une synthèse. Qu’est-ce que ces théories ont en commun ? Moins qu’on pourrait le penser au premier abord. Certaines culpabilisent les parents, certains leur donnent au contraire l’impression d’être importants et uniques. Certaines sont très complexes, d’autres très simples.

Ce qu’elles auront en commun, souvent, ce sera plutôt la manière dont elles seront proposées et mises en application : dans un environnement au mieux para-médical, avec une aura de « solution miracle », et un prix élevé.

Un CRA (Centre de Ressources Autisme) ou un médecin ne proposeront pas à leur patients de ré-aligner leurs chakras ou de se détoxifier, par exemple. Ce genre d’offres viendra toujours de praticiens parallèles, de personnes en-dehors du circuit de santé classique. On voit tout de suite que les personnes fréquentant déjà des praticiens de médecine parallèle[8] seront plus susceptibles d’être favorables à ce genre de théories leur proposant la guérison de l’autisme. Quand on a admis qu’un magnétiseur pouvait soigner un cancer, un trouble du développement ne devrait pas poser de problème.

Les adeptes de ces théories ne se laisseront pas arrêter par le bon sens : leurs méthodes pourront inclure des pratiques semblant « impossibles », comme par exemple le diagnostic à distance sans même voir le patient, la détection d’une pathologie rien qu’en touchant son nom sur une liste de mots écrits, etc. C’est peut-être le plus gros dénominateur commun de toutes ces théories : à quel point elles sembleront miraculeuses et dénuées de tout ce que la médecine fondée sur des faits  peut avoir de fastidieux.

Les praticiens utiliseront également le jargon pseudoscientifique classique, où l’on retrouve des mots tels que : toxine, vibratoire, alignement, énergie, neurosciences, quantique, équilibre, détoxifier, purification, etc.

Enfin, les interventions qu’ils proposeront seront chères et impossibles à faire rembourser par une quelconque assurance[9].

 

Que faire en cas de doute ?

C’est humain de se dire qu’on a peut-être trouvé une piste ignorée par le plus grand nombre. Qu’on soit autiste ou proche d’un autiste, on a de toute façon déjà l’impression d’avoir été lâché par le système et de devoir se débrouiller tout seul. Pourtant, j’encourage mon lecteur à se renseigner soigneusement à chaque fois qu’il est confronté à quoi que ce soit qui semble un peu trop beau pour être vrai. Se renseigner, c’est à dire, chercher activement pour savoir si une théorie fait polémique, si elle est décriée par certains groupes, et pourquoi. C’est aussi se rapprocher de son CRA local ou de son médecin traitant et demander à ces gens ce qu’ils pensent de cette nouvelle piste.

Parfois, faire confiance à un charlatan[10] peut ne pas avoir d’autres conséquences qu’un préjudice financier, ce qui est gênant mais pas vraiment grave. Parfois, cette confiance peut se solder par des soucis de santé accrus, parfois irréversibles, le retrait de la personne autiste à ses tuteurs, voire pire.

Dans le doute, parler à des personnes de confiance[11] est toujours une bonne idée. Aucun traitement, aucune prise en charge de l’autisme, ne se joue à quelques semaines voire quelques mois près.

 

Enfin, comme toujours, j’encourage mon lecteur à garder comme mètre-étalon le bien-être de la personne autiste. N’importe quoi qui semble lui faire du mal, lui faire peur ou lui causer du mal-être doit être examiné avec un esprit critique aussi acéré que possible.

N’hésitez pas à partager avec nous les théories bizarres que vous avez pu rencontrer au cours de votre parcours !

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[1]Le pré-diagnostic classique.

[2]Si par « apprendre une leçon », les partisans de cette théorie veulent dire « partager vraiment beaucoup d’informations au sujet d’un intérêt spécifique », alors d’accord.

[3]Le consensus actuel est un ensemble de facteurs génétiques et environnementaux.

[4]Je suis la première à dire que nous devrions tous manger plus de fruits et légumes, mais de là à affirmer que cela guérira l’autisme et la dépression, je pense que c’est une exagération.

[5]Et n’est pas complètement ridicule, parce que si une personne autiste ne supporte que quelques aliments/catégories d’aliments pour des raisons sensorielles, il y a fort à parier qu’elle est effectivement un peu limite vis-à-vis de certains nutriments.

[6]Un désinfectant industriel.

[7]Comme les écoles Steiner, oui.

[8]Ce que je respecte.

[9]Une possibilité de régler par virement ou Paypal devrait aussi alerter.

[10]Ou à quelqu’un sincèrement convaincu qu’il détient la vérité, tous les pratiquants de pseudo-sciences ne sont pas malveillants.

[11]C’est un plus si elles sont elles aussi autistes.


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