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Limiter la maltraitance

- Julie BOUCHONVILLE

Limiter la maltraitance

 

La semaine dernière, nous avons abordé le sujet de la maltraitance involontaire : des situations avec un déséquilibre de pouvoir, où l’un des partis dépend de l’autre. Nous nous étions arrêtés sur la notion que les neurotypiques, ne percevant pas le monde comme les autistes, ont plus de mal à comprendre l’expression de leurs émotions, mais aussi que ce qui est neutre ou même plaisant pour eux peut s’avérer être une expérience horrible pour une personne autiste.

Enchaînons.

Limiter la maltraitance

Suis-je en train de suggérer qu’il est horrible de s’assurer qu’une personne autiste avale un végétal vert de temps à autre ou s’habille avant de sortir ? Est-il désormais interdit d’encourager un enfant autiste à être propre ? D’expliquer à quelqu’un qui nous a fait mal qu’il ne faut pas frapper les autres même quand on est furieux ?

Non, et je crois que tout le monde est bien au courant de la nuance qui existe entre « essayons de ne pas être maltraitants » et « laissons absolument tout faire quitte à chopper le scorbut[1] ».

 

Prenons plutôt un exemple de cas limite : dans un article écrit par Louis Stay et publié sur Neuroclastics[2], l’auteur témoigne de la volonté d’une équipe de prise en charge d’aider un enfant autiste à mieux gérer sa frustration. L’enfant avait tendance à être agressif envers lui-même et son entourage lorsqu’il était dépassé par ses émotions, et cette attitude nécessitait d’être corrigée. La cause paraît noble, comme mon lecteur en conviendra.

Pour ce faire, sachant que l’enfant était très sensibles aux bruits forts et soudains, deux membres de l’équipe l’ont enfermé dans une petite salle où ils ont diffusé de la musique à très haut volume, ont crié d’un bout à l’autre de la pièce, et ont entrechoqué des objets. Il a fallu un petit moment à l’enfant pour atteindre le stade de l’implosion, mais ils ont réussi. Quand l’enfant a demandé à partir, on l’y a autorisé, avant de lui ordonner de s’asseoir alors qu’il était sur le point d’atteindre la porte. Il a fini par avoir le comportement qu’on voulait provoquer. On a donc, dans cet état, pu le lui interdire et lui proposer une alternative[3]. Etait-ce utile ? Je n’en sais rien. Je ne suis pas sûre que dans l’état de choc dans lequel cet enfant devait se trouver, il ait été en mesure d’apprendre grand-chose.

Plus important : est-ce que ça en valait le coup ? Non.

 

Forcer une personne en larmes à toucher une certaine texture pour « l’y habituer » ? Non.

Imposer à un enfant l’agitation d’un grand magasin parce qu’il « faut bien qu’il apprenne » ? Non.

Exiger d’autrui qu’il termine un repas alors même qu’il dit que ça le rend malade ? Non.

Imposer sa volonté sur son corps pour qu’il le conforme à nos exigences ? Ignorer son refus, sa détresse, ses cris, ses pleurs ? Le soumettre volontairement à un stimulus dont on sait qu’il lui déplaît ? Non.

Toutes ces choses ont un nom. Dans un contexte éducatif on appelle ça de la maltraitance, dans un contexte militaire on préfère le terme « torture », mais dans tous les cas c’est toujours la même dynamique : « ce n’est pas toi qui décides de ce qui arrive à ton corps ou de ta situation, tu es à ma merci, et je n’arrêterai de te faire souffrir que quand tu te plieras à ma volonté, aussi arbitraire soit-elle. »

 

Je ne dis pas que ce principe ne fonctionne pas. Le problème est qu’il ne fonctionne pas pour les bonnes raisons. Une personne autiste qui comprend qu’elle ne peut pas gagner, qu’elle devra souffrir, et abandonne toute résistance pour que ce soit plus vite fini, n’est pas passée au-dessus d’un blocage et n’a pas progressé. Elle est juste dans un état d’impuissance apprise[4], une situation similaire à la dépression et mentionnée dans le cadre de la théorie du désespoir – comme le nom l’indique, ce n’est pas hyper sympa.

 

Ma suggestion, comme souvent, pour limiter la maltraitance est de remettre au centre de nos comportements le bien-être des personnes autistes. Pas leur progression, pas à quel point ce serait mieux – même pour elles ! - si les voisins arrêtaient de les regarder comme des aliens, pas l’acquisition d’une compétence. Leur bien-être.

Tant pis si nous n’apprenons jamais à manger des aliments qui se touchent. Tant pis si une fois adultes nous ne parvenons toujours pas à rentrer dans un supermarché. Tant pis si on doit prendre des vitamines pour rester en bonne santé parce que les brocolis nous donnent des palpitations, si on porte le même pyjama deux semaines d’affilée parce que c’est le seul dans lequel on parvient à dormir, si on ne va jamais à la plage alors que c’est si chouette, la plage. Si toutes ces choses se payent en désespoir, je crois parler au nom de la communauté autistique au sens large quand je dis « merci, mais ça ira ».

 

Oui, il y a des choses qui ne sont pas négociables, en général ce qui touche à l’hygiène ou à la santé[5], mais leur nombre est réduit, et même elles peuvent être contournées dans une certaine mesure. Ce qui mérite d’être fait mérite d’être mal fait : se brosser les dents trente secondes est toujours mieux que pas du tout, une toilette de chat vite fait vaut toujours mieux que ne pas se laver du tout, prendre un gummy de vitamines évite au moins la plupart des carences à défaut de manger des légumes, etc.

 

Je ne pense pas maltraiter mon proche autiste !

Moi non plus, lecteur, je ne pense pas que vous maltraitiez votre proche. Je sais que vous voulez bien faire, que vous êtes son allié, et que vous faites de votre mieux.

Je pense juste que parfois, notre entourage veut tellement notre bien qu’il en oublie notre bien. Ecoutez-nous quand nous manifestons notre refus, notre anxiété, nos doutes. Nos familles sont souvent si déterminées à nous donner toutes les chances, si féroces lorsqu’elles nous défendent, qu’elles peuvent oublier de nous demander notre avis.

Demandez-nous notre avis. Et un jour, qui sait ?, peut-être que ce sera « plus de brocoli ».

 

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[1]En plus ça ne marche pas : laisser quelqu’un dont on est responsable chopper le scorbut, ça aussi, c’est de la maltraitance

[2]https://neuroclastic.com/i-was-part-of-the-good-aba/

[3]Et tout ça, c’est la raison pour laquelle la plupart des autistes sont contre les prises en charge de type ABA.

[4]https://fr.wikipedia.org/wiki/Impuissance_apprise

[5]Note intéressante : non, avoir froid ne pas tomber malade. Non. Du tout. Même pas un peu. Les virus font tomber malade. Pas la température. Sortir en t-shirt en hiver est très désagréable, mais sans exposition à des virus, la seule chose qu’on risque c’est l’hypothermie.

 


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