
Outils analogiques et digitaux Partie 2
- Julie BOUCHONVILLE

Leur compatibilité avec nos neurotypes
La semaine dernière, nous nous sommes penchés sur des outils d'organisation et de gestion du quotidien, tant personnels que professionnels. Comme il s'agissait de l'analyseur via la lentille des versions numériques et analogiques de ces outils, penchons-nous sur les avantages et inconvénients des versions mentionnées.
Outils numériques
Points forts
Les outils numériques, souvent sous la forme de sites ou d'applications, ont l'avantage majeur d'être déjà développés, prêts à utiliser, et de pouvoir s'emporter à peu près partout avec le moins de désordre possible, puisqu'ils vivent dans nos smartphones ou nos ordinateurs. L'utilisateur peut donc y avoir accès sans beaucoup d'efforts et de manière centralisée : tous les outils se trouvent au même endroit.
Aussi, ces outils ont souvent une certaine interconnectivité : je peux dire à mon agenda professionnel de regarder mes événements perso et de rendre indisponibles les horaires correspondants, par exemple, et quand j'achète un billet de train via une application, il est courant que mon téléphone me propose de lui-même d'inscrire le voyage correspondant à l'agenda — voire de le noter dans la section « loisir » de mon suivi de dépenses.
Points faibles
Les inconvénients de ces versions des outils sont, en toute logique, le côté « pile » de leurs points forts. Qu'ils soient déjà développés, livrés pour ainsi dire clefs en main, fait qu'ils sont parfois peu ou mal adaptés à l'usage que l'on compte en faire, et que ce problème n'est pas remédiable. Dans mon expérience, pour peu que l'outil ne convienne pas bien, l'utilisateur en testera un ou deux autres censés remplir la même fonction, et finira par s'accommoder d'un produit pas tout à fait adapté, ou l'abandonnera complètement.
De plus, selon la complexité de l'outil, devoir prendre en main la version créée par un tiers peut en fait être plus difficile que de construire sa propre version « sur mesures ».
Troisièmement, un outil numérique peut manquer de tangibilité, tant parce qu'il est compliqué de le rendre toujours visible dans un coin — a fortiori sur un smartphone — que parce que, factuellement, il n'est pas tangible : il n'existe que sous la forme d'un lot de pixels susceptibles de changer de configuration.
Enfin, et c'est bien sûr le reproche le plus courant, ranger un outil censé nous aider à nous organiser à l'intérieur de la machine à distraction et à temps perdu n'est pas particulièrement intelligent. Qui, parmi mes lecteurs, n'a jamais déverrouillé son portable avec la ferme intention d'aller consulter une application de boulot ou de vérifier un fait, pour se retrouver quelques minutes plus tard occupé à gérer des notifications, répondre à un message ou bêtement scroller un réseau social en ayant temporairement oublié pourquoi il avait initialement ouvert son portable ?
Outils analogiques
Points forts
D’abord, la tangibilité. Qu'il s'agisse de l'aiguille d'une horloge qui parcourt une distance [1] , du déplacement d'une étiquette d'une zone à l'autre d'un tableau, du coloriage d'une case ou d'une prise de note sur du vrai papier impossible à effacer [2] , quand une chose a physiquement, réellement lieu, pour beaucoup de gens, elle existe d'une manière subtilement différente, et pourra être retenue d'une façon différente, que dans un écran interchangeable parmi d'autres.
Ensuite, l'aspect modulaire. Quand on a huit applications d'organisation dans son téléphone, où que l'on aille, on emporte tous ses outils avec soi, qui chaque fois qu'on les voit participer à une impression de bruit visuel et/ou de charge mentale. Ce n'est pas vrai avec des outils analogiques qui existent chacun déterminant des autres. Tous ceux qui ne sont pas en application à l'instant T peuvent être rangés, ou pliés et mis sur le côté [3] .
Troisièmement, la personnalisation infinie : l'on peut s'inspirer de mises en œuvre d'un outil, par exemple sur des sites comme Pinterest ou Etsy, mais on fini toujours par le déployer d'une manière dont on pense qu'elle nous convient, et qui accomplit précisément ce qu'on lui demande, ni plus ni moins. Avec l'expérience, on peut modifier la manière dont on déploie l'outil pour qu'elle soit toujours pertinente.
Enfin, bien, l'absence de notifications et de la tentation des usages récréatifs du support commun bien sûr — Instagram n'étant pas, a priori, installé sur un minuteur manuel — limite les distractions.
Points faibles
Je parle de l'aisance avec laquelle on peut ne sélectionner que les outils analogiques dont on compte se servir à l'instant T. C'est en effet vrai, mais pour peu que l'on utilise toujours les six mêmes, on se retrouve avec pas mal de matériel à devoir installer automatiquement, voire emporter avec soi quand la mobilité est nécessaire. Pour exemple, j'utilise au quotidien un agenda, un carnet de notes générales/brouillon, un carnet de croquis, un carnet de notes pour mes cours de langue et un carnet de notes pour mon métier de thérapeute. Ça veut dire que sur une journée où je voudrais travailler, réviser à la bibliothèque et dessiner pendant ma pause, soit rien d'extravagant, je dois embarquer avec moi au bas mot 1,5 kg de papier.
De plus, les outils analogiques ont ceci de pénible que, une fois pris en main, leur efficacité dépend de leur utilisation. Si je n'ouvre pas mon agenda pour savoir ce que je suis censée faire ce jour-là, il ne va pas me le dire tout seul. Si je ne regarde pas ma barre de consommation d'eau de la journée, elle ne peut pas me rappeler de m'hydrater. Ne pas recevoir des notifications à outrance est plus agréable pour l'esprit, mais cela nécessite d'avoir bâti la discipline requise pour, tous les matins, déballer les outils et les mettre dans une position où ils peuvent effectivement servir.
De la même manière, l'interconnectivité est inexistante, et du temps doit régulièrement être coordonné à assurer le suivi et la mise à jour de tous ces outils et des projets qu'ils gèrent. Paradoxalement, on peut même perdre du temps en ayant l'impression de travailler alors qu'on est juste en train de jouer au secrétaire : est-ce que le planning de la semaine est assez lisible ou serait-ce mieux si je soulignais le nom des jours ? Est-ce que je me servirais plus volontiers de mon tableau Alastair si j'ajoutais ce sticker ? Non, je n'ai pas avancé dans ce rapport, je refaisais mon tableau de comptabilité personnelle parce que l'ancienne version avait un défaut d'ergonomie que j'ai identifié.
Cet article se faisant déjà long, je laisse ici mon lecteur, et la semaine prochaine, nous nous pencherons sur comment les besoins personnels, et le neurotype, peuvent orienter le choix de la catégorie d'outil.
[1] Dans une version différente, j'ai aussi vu passer l'idée du glaçon : accomplir une tâche jusqu'à ce qu'un glaçon, de taille variable, ait fondu. Parfaitement tangible, impossible à mettre en pause pour « regarder mes emails vite fait », et dès qu'on est un peu habitué au procédé, on en vient à développer une estimation de combien de temps il reste avant que le glaçon n'ait terminé sa fonte.
[2] Palimpseste mis à part.
[3] Beaucoup de ces outils vivent dans des carnets ou des agendas, un format qui se prête bien à former une petite pile sur un coin du bureau, pile que l'on peut aussi fourrer dans un tiroir quand on ne désire pas du tout la voir.
Pour toute question sur nos articles de blog, contactez la rédactrice à : juliebouchonville@gmail.com
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