Ça non plus, ça ne cause pas l’autisme Partie 4
- Julie BOUCHONVILLE
Ce mois d’octobre ayant été consacré à un sujet qui était censé ne nous occuper que brièvement, terminons-le en beauté avec la partie 4 de cette série : qu’est-ce qui ne cause toujours pas l’autisme ?
Les causes surnaturelles ou métaphysiques
J’ai hésité avant d’inclure cette section, parce que chacun est libre de croire à ce qu’il veut, et que la foi et la pseudoscience, si elles se superposent partiellement dans un diagramme de Venn, sont deux concepts différents. Je l’ai finalement gardée en me focalisant sur la perspective de la personne qui s’entend affirmer une explication par un tiers. Quand on est soi-même autiste, ou parent d’une personne autiste, il est délicat de se voir offrir une explication de la situation par un membre du public lambda, a fortiori quand on n’a rien demandé.
Je n’ai aucune opinion à avoir sur quelqu’un qui penserait que le destin, ou une divinité en laquelle il croit, ou quoi que ce soit de similaire l’a « fait autiste », mais il est spectaculairement agaçant d’avoir une personne plus ou moins bien intentionnée qui affirme qu’Ananas, 4 ans, adore aligner ses jouets et a du mal avec les textures collantes parce qu’il est un ange envoyé dans sa famille pour lui apprendre une leçon[1].
Les enfants indigo
Je renvoie mon lecteur vers notre série[2] consacrée aux enfants indigo, une théorie new age qui proposait que les enfants nés dans une certaine génération aient une aura différente de celle de leurs parents et mènent le monde sur le chemin de la paix et de l’harmonie, en gros. Les enfants neurotypiques ne montreraient pas de signes particuliers de cette aura différente, au point qu’on puisse se demander s’ils sont indigo ou pas, mais les personnes autistes et neurodivergentes correspondraient supposément au profil attendu.
Une force supérieure pour « enseigner quelque chose » à l’entourage
Au-delà de la violence certaine qu’il y a à étaler ses croyances sur quelqu’un, cette approche est culpabilisante pour les proches de la personne autiste et insultante pour elle. Pour la personne directement concernée, il y a l’idée qu’elle n’est qu’un moyen pour arriver à une fin, à savoir une sorte de gain de sagesse et/ou de compassion que ses proches vont obtenir grâce à elle. Rien dans cette version des faits ne laisse la place à son autonomie, son autodétermination ou même son libre arbitre.
Pour les proches, l’idée sous-jacente est — quand même ! — qu’ils ont « provoqué » l’autisme d’un membre de leur famille en se comportant, en gros, comme des gens à qui une puissance supérieure devrait envoyer quelqu’un avec un TSA. En outre, si d’aventure ils en arrivaient à trouver un proche autiste pénible, ou à être mécontents des moyens donnés à la prise en charge de l’autisme dans leur région, pour ne prendre que ces éventualités, ils seraient peu ou prou en train de faillir la mission qui leur a été confiée par ladite puissance supérieure, et de se planter dans la raison même d’exister de leur proche autiste. Tout cela fait beaucoup, beaucoup d’injonctions.
Les facteurs de risque connus de l’autisme
À l’heure actuelle, il n’existe pas de test de dépistage de l’autisme, pas de facteur identifié ayant un résultat binaire, et donc aucun n’est responsable à 100 %. Voici un rappel de ceux qui sont avérés :
– L’âge des parents, du père en particulier : au plus ce dernier est âgé, au plus le risque augmente
– Un petit poids de naissance pour le bébé
– La génétique : avoir au moins un membre de sa famille qui est lui-même autiste[3]
– Être un garçon
– L’exposition à certaines toxines durant la grossesse[4]
Ils ne sont pas très nombreux, parce que la question est floue et que peu de facteurs parviennent à être vérifiés avec un niveau de preuve convaincant.
Notons que ces facteurs n’existent pas dénués de leur contexte, et ne sont que le reflet de probabilités, sans être forcément des causes. Ce n’est pas qu’être un garçon rend autiste, par exemple, mais les garçons sont plus concernés par le TSA, au moins selon les chiffres actuels.
S’éloigner des causes du TSA
Comme je l’ai dit en introduction de cette série, il y a désormais près d’un mois, je comprends la volonté de comprendre, et le désir de retrouver du contrôle sur une situation complexe ; parfois cela passe par la recherche des causes de cette situation. Dans le cas de l’autisme, on peut désirer savoir pourquoi Figue et Ananas sont autistes, et pourquoi Mirabelle et Abricot ne le sont pas.
Néanmoins, je ne peux que rappeler à mon lecteur à quel point cette quête de contrôle, et même la sensation qu’elle procurerait si elle en venait à aboutir, est illusoire. Personne n’est moins autiste parce qu’on sait pourquoi il l’est. Personne n’est moins sensible aux textures, épuisé par le bruit ou en difficulté avec le langage[5].
Plus important, peut-être, il est à noter que les ressources pour la prise en charge du TSA restent restreintes, parfois insuffisantes, et que chaque minute ou centime passé à se demander pourquoi les gens sont autistes ne sont dès lors plus disponibles pour chercher comment améliorer leur quotidien, comment aménager leurs lieux de vie ou de travail, comment apprendre au grand public à vivre à leurs — nos — côtés.
D’un point de vue purement académique et intellectuel, aucune poursuite de connaissance n’est en vain, mais dans un monde concret où beaucoup d’entre nous ont parfois du mal à fonctionner, un certain triage des recherches et des ressources qui leur sont consacrées est intéressant.
Merci à mon lecteur pour sa constance et sa présence au fil de cette série, bien plus conséquente qu’initialement prévue, et je le retrouve dès le 12 novembre pour un nouvel article.
[1]J’aimerais dire que j’ai inventé cette explication, mais non, un jour quelqu’un me l’a proposée avec beaucoup de sérieux.
[3]Valable pour les autres membres de la fratrie, mais aussi les parents.
[4]Une formulation vague, j’en ai conscience : de nombreuses études sont en cours sur tout un tas de substances.
[5]Et brillant pour repérer les schémas, généreux dans le partage de ses connaissances ou prompt à entrer en empathie avec tout et n’importe quoi.
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