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Syndrome des ovaires polykystiques et autisme
- Julie BOUCHONVILLE
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Parce que le monde merveilleux des comorbidités ne cesse de nous surprendre, examinons aujourd'hui la question dont je ne doute pas qu'elle tienne mon lecteur éveillé la nuit : quel lien entre les ovaires, les hormones sexuelles, et l'autisme ?
(Note : dans cet article, j'utiliserai le terme « femme » pour dire « une personne ayant des ovaires et un utérus » simplement afin d'éviter les répétitions, mais il est à noter que des hommes trans, des personnes non binaires et des personnes intersexes peuvent absolument tomber sous le coup de cette description.)
Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) : une définition
Avant d’aller plus loin, il semble pertinent de faire le point sur ce sujet. Cette pathologie chronique et incurable se produit lorsque les ovaires produisent trop d'hormones androgènes, c'est-à-dire celles que l'on associe généralement aux corps mâles [1] . Ce taux d'hormones empêche les ovocytes, les cellules reproductrices fabriquées par l'ovaire, de se développer correctement et de quitter l'ovaire comme prévu. L'ovaire peut donc prendre un aspect constellé de plusieurs kystes, qui sont en fait ces ovocytes mis en pause, pour ainsi dire. Et comme il n'y a pas maturation et expulsion des ovocytes, il n'y a pas ovulation.
Ce n'est pas une pathologie grave, mais elle est courante [2] , et peut être envahie : l'absence ou l'irrégularité des ovulations rend la procréation très compliquée, les règles sont irrégulières et peuvent, au choix, se présenter comme très abondantes, ou très peu courantes voire inexistantes. En outre, les hormones androgènes peuvent entraîner de l'acné, de l'hirsutisme et/ou une perte de cheveux. Et comme si cela ne suffisait pas, le risque de maladie cardiaque, d'hypertension, de prise de poids et de cancer de l'utérus augmente.
Ah, et aussi, celui d'être autiste, et d'avoir des enfants autistes. D'où notre article.
Dans quel sens fonctionne la corrélation ?
C'est-à-dire, une personne autiste a t-elle une meilleure probabilité de souffrir de ce syndrome ? Une personne souffrant de ce syndrome a t-elle une meilleure probabilité d'être autiste ? Les recherches menées disent que oui, dans les deux cas !
Les femmes autistes et le syndrome des ovaires polykystiques
Si l'on en croit une étude britannique [3] , les femmes autistes ont environ deux fois plus de chance de souffrir du syndrome que les femmes non autistes. Le chiffre reste bas, dans cette étude, la probabilité passe de 1,1 % à 2,3 %, et surtout, la donnée n'est pas terriblement exploitable. D'abord parce qu'on est loin des chiffres de l'OMS ou de la NHS [4] , ce qui interpelle, et ensuite parce qu'un lien de même pas 2 %, a fortiori avec une plutôt petite cohorte de femmes autistes [5] , n'est pas très significatif.
Reste que la tendance existe, sans qu'on puisse en dire beaucoup plus.
SOPK de la mère et autisme chez l'enfant
Cette fois, nous pouvons nous baser sur une méta-analyse [6] plutôt riche [7] menée par Maria Katsigianni et al. , qui nous suggère qu'une femme souffrant d'un SOPK voit sa probabilité d'avoir au moins un enfant autiste augmenter de 66 %. Si l'on prend le chiffre de l'OMS [8] qu'un enfant sur cent est autiste, de son propre aveu un peu bas, mais qui a l'avantage d'être rond, et donc qu'une femme a une probabilité 1 % d'avoir un enfant autiste, souffrir d'ovaires polykystiques entraînerait cette probabilité à 1,66 %.
Là encore, c'est une augmentation assez modeste, mais au moins elle semble solide.
Prévalence de l'autisme chez les personnes souffrant d'un SOPK
Enfin, toujours selon la méta-analyse de Maria Katsigianni [9] , le syndrome des ovaires polykystiques augmente de 78 % la probabilité d'être une femme autiste. Sachant que cette probabilité est assez basse de base [10] , environ 0,3 %, avec ce risque ajouté, la probabilité d'être une femme autiste atteint les 0,5 %, soit une chance sur deux cents à peu près. C'est une fois de plus une assez petite variation, même si elle semble basée sur des données solides.
De la théorie de l'autisme du cerveau hypermasculin ?
La théorie du cerveau hypermasculin, désormais vieille de plus de vingt ans et chère à Simon Baron Cohen, mériterait son propre article. C'est une théorie se voulant à la fois une explication des structures enregistrées dans le cerveau autiste et une cause ou explication aux comportements des personnes autistes. En gros, c'est une théorie qui affirme que les cerveaux autistes ressemblent à un archétype décrit, et que c'est parce qu'ils ressemblent à cela que les autistes réagissent comme ils le font.
Et ce cerveau autiste serait un cerveau hypermasculin, c'est-à-dire, particulièrement tourné vers les machines, la logique, la pensée en 3D et la concentration intense sur des sujets uniques, plutôt que sur les émotions, les relations sociales et/ou la pensée multitâche [11] .
Cette théorie a été aussi célébrée que décriée, et l'on comprend en un coup d'œil qu'il serait intéressant d'y relier les découvertes des études que j'ai mentionnées ici : après tout, trop d'hormones disent masculines et un cerveau trop masculin sont deux concepts qui semblent aller de paire. Nous en parlerons plus en détail dans un prochain article, mais pour que mon lecteur ne soit pas rongé par le suspens, je révèlerai la fin dès maintenant : la théorie du cerveau hypermasculin ne tient pas énormément debout, et ignore pas mal de réalités biologiques assez basiques.
Que conclure ?
Si mon lecteur est une personne autiste avec des ovaires, peut-être même une lectrice, et qu'elle constate des irrégularités dans son cycle menstruel, de l'hirsutisme ou de l'acné alors qu'elle a dépassé la puberté depuis longtemps, il peut être intéressant d'aborder la question du SOPK avec la personne qui s'occupe de son suivi gynécologique [12] .
Et bien sûr, j'invite mon lecteur à s'émerveiller avec moi de la diversité des chemins menant à l'autisme. Le spectre des neurotypes humains est d'une complexité impressionnante, et nos recherches semblent parfois n'en révéler que plus de détails. À titre personnel, j'en tire beaucoup de joie.
[1] Chez une personne qui ne serait pas impactée, les hormones seraient converties en oestrogènes, mais en cas de SOPK, cela ne se fait pas, ou mal.
[2] Selon l'OMS, 8 % à 13 %, une fourchette qui suggère que le chiffre exact est un peu flou, surtout que l'OMS elle-même s'empresse de identifier que la majorité des cas ne sont pas testés et que le chiffre est à prendre avec des pincettes. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/polycystic-ovary-syndrome
[4] Organisation de santé britannique, qui propose le chiffre assez prudent d'environ 10 % https://www.nhs.uk/conditions/polycystic-ovary-syndrome-pcos/#:~:text=Polycystic%20ovaries,-Polycystic%20ovaries%20contain&text=It's%20difficult%20to%20know%20exactly,10%20women%20in%20the%20UK.
[5] 971 sujets à préciser.
[6] Une méta-analyse est une étude qui collecte les données et résultats de plusieurs études, les standardise et les compile : cela en fait une sorte d'étude géante, et il est généralement considéré que ses résultats sont fiables.
[8] https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/autism-spectrum-disorders#:~:text=It%20is%20estimated%20that%20worldwide, les chiffres%20that%20are%20substantiellement%20plus élevés.
[10] Le ratio actuel serait d'environ trois fois plus d'hommes autistes que de femmes. https://www.autism.org.uk/advice-and-guidance/what-is-autism/autistic-women-and-girls
[11] On pourrait me suspecter de caricaturer, mais pour le meilleur et pour le pire, je n'invente rien.
[12] Je rappelle d'ailleurs au passage que les sages-femmes sont habilitées à effectuer ce suivi.
Pour toute question sur nos articles de blog, contactez la rédactrice à : juliebouchonville@gmail.com
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